On est loin des 1,5 million d'euros réclamés dans un premier temps, mais la condamnation de Patrice Matiuzzi à verser 300 000 € à la Caisse primaire d'assurance-maladie apparaît comme une sanction lourde. D'autant plus lourde que le dentiste avait été relaxé en première instance en novembre 2011. Les juges de la cour d'appel d'Amiens ont donc pris le contre-pied des magistrats de Saint-Quentin en reconnaissant le praticien « entièrement responsable » de fraude.
La sanction pénale est en soit quasi symbolique puisqu'il écope d'une peine d'amende de 3 000 €, mais le montant des dommages et intérêts est cent fois plus important. N'acceptant pas la décision, le dentiste et son avocat ont formé un pourvoi en cassation.
La CPAM avait alerté la justice courant 2008 après avoir constaté une activité très importante provenant de ce cabinet de la rue Georges-Pompidou.
« Un stand de Formule 1 »
Entre 2003 et 2007, le dentiste aurait perçu jusqu'à 700 000 € de remboursement de la part de l'Assurance-maladie, soit dix fois plus que la moyenne régionale. Après enquête, le parquet avait conclu à l'établissement de doubles facturations et même à la facturation d'actes fictifs. Quarante à cinquante patients par jour sur son agenda, là encore, la productivité tenait plus du travail à la chaîne que du soin qualitatif.
Mais l'hyperactivité du docteur ne fait pas de lui un fraudeur. C'est ce qu'il avait clamé à la barre lors de son premier procès en 2011. « Je travaille de façon plus rapide, plus organisée et plus longtemps. J'ai trois assistantes. Je compare cette situation à un stand de Formule 1, où vous avez six personnes qui démontent un pneu en même temps. Je travaille à six mains. »
Cette métaphore ajoutée à la plaidoirie de son avocat, considérant que la CPAM n'avait aucune preuve, avait convaincu les juges du tribunal correctionnel. Le procureur avait fait appel. Après cette deuxième décision, reste désormais à connaître l'avis des magistrats de la cour de cassation.
Le docteur Lachant sauvé par un vice de forme
Poursuivi lui aussi pour fraude, le docteur Marcel Lachant ne sera jamais condamné pour ces faits. Le médecin généraliste, actuellement suspendu par le conseil de l'ordre, n'a pourtant pas été relaxé. La cour d'appel vient tout simplement d'annuler la procédure à son encontre. En cause, les procès-verbaux de garde à vue jugés irrecevables et qui avait déjà valu au docteur une peine à minima en première instance. A l'époque, le procureur avait demandé dix mois de prison avec sursis et une amende de 20 000 €, mais à la suite de cette nullité dans la procédure, il avait été condamné à une peine d'amende de 1 000 € avec sursis.
Au moment de son audition par la police, il n'avait pas été assisté par un avocat. A l'époque, la législation française ne le prévoyait pas mais une décision de la cour européenne des droits de l'homme avait condamné la France pour ce manquement. Les juges n'ont pu que donner raison à l'avocat du patricien qui avait soulevé ce lièvre. Le généraliste était soupçonné d'avoir établi des actes fictifs pour gonfler son activité. Le procureur de Saint-Quentin, qui a la possibilité d'instruire une nouvelle enquête, a décidé de ne pas reprendre les poursuites. Selon nos informations, le médecin serait désormais établi en Belgique.
Source: aisnenouvelle