Une bataille se dessine entre une centaine de dentistes réclamant à Marisol Touraine une suppression des amalgames au nom du principe de précaution et le Conseil de l'Ordre de la profession opposé à toute limitation. Quid de la position française ?
Avec 17 tonnes, la consommation annuelle de "plombages" au mercure en France représente aujourd'hui près du tiers de la demande européenne. Or, ce courrier n'a pas été "du goût des nombreux dentistes français qui ont cessé depuis longtemps de poser des amalgames pour se tourner vers des techniques modernes et biocompatibles, bien conscients des effets environnementaux et sanitaires des obturations au mercure", a indiqué l'ONG Non Au Mercure Dentaire qui, avec le Réseau Environnement Santé (RES), ne cessent de dénoncer la toxicité de ces "plombages" qui contiennent 50% de mercure, "un métal neurotoxique, génotoxique'' mais aussi "perturbateur endocrinien".
Dans le cadre de la révision de la stratégie européenne de 2005 visant à réduire les concentrations de mercure, les autorités françaises déclaraient en juin dans une note "ne pas s'opposer à une suppression des amalgames au mercure dans le traitement de la maladie carieuse" compte tenu "des préoccupations environnementales et des questions émergentes relatives aux conséquences de la multi-exposition et aux effets des faibles doses". Mais elles n'avaient toutefois pas défini un calendrier de retrait. Les autorités françaises jugeaient également "plus judicieux" de mener des actions de sensibilisation sur les impacts environnementaux liés à l'usage des amalgames dentaires, de prendre des mesures au niveau national pour réduire leur utilisation, "tout en faisant la promotion des alternatives sans mercure".
Les dentistes signataires, en marquant "leur désaccord avec l'ONCD", ont "bravé une institution dont on sait l'emprise considérable sur ses membres, puisqu'elle est à la fois juge et partie de ses juridictions'', a déclaré le RES en qualifiant cette lettre-pétition de "fait extraordinaire". Reste à savoir si le ministère de la Santé "sera plus sensible à la voix de la probité, de l'évidence et du courage… ou à celle des lobbys", se questionne-t-il.
En effet, une centaine de chirurgiens-dentistes ne partagent pas la position du Conseil national de l'Ordre et regrettent qu'il ait envoyé ce courrier à Mme Touraine "au nom de toute la profession". En réponse, les dentistes signataires viennent de mettre en ligne une lettre-pétition adressée à la ministre de la Santé, et estiment "au contraire que la pollution au mercure dentaire est préjudiciable à la fois à l'environnement (et, par suite, à la santé de la population) et à la réputation de notre profession". Et de s'interroger : "Comment justifier qu'elle seule continue de dispenser du mercure quand tous les autres secteurs sont contraints d'en limiter drastiquement ou d'en cesser l'usage ?"
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